«O Claire que Dieu combla de dons éclatants !

Claire dès avant ta conversion,

plus claire lors de ton Oui à Jésus-Christ,

de plus en plus claire au long de ta vie cachée,

éblouissante enfin après avoir terminé ton passage sur la terre !» (tiré de la bulle de canonisation).

Nous vous proposons de suivre sa vie en 10 petits épisodes ci-dessous. Bonne lecture!

1 – Claire, ton nom…, Claire, ta vie…, Claire, ta joie… !

Assise, petite ville d’Ombrie en Italie au début du 13ème siècle, en plein Moyen-âge. Claire vit avec toute sa famille dans le haut de la ville, dans une grande maison, une «domus». Elle fait partie de la noblesse, de la classe aristocratique. Elle vit avec sa mère Ortolane, ses sœurs, Catherine et Béatrice, et reçoit une éducation digne d’une fille noble. Déjà, on imagine un beau mariage ! Claire est belle, douce, intelligente. Elle a toutes les qualités rêvées. Ses parents sont fiers d’elle. Mais Claire, de son côté, perçoit dans son cœur qu’un autre désir grandit, celui de consacrer toute sa vie à Dieu. Depuis qu’elle est toute petite, elle est très impressionnée par sa maman, Dame Ortolane, une femme de grande foi, qui part pour de longs pèlerinages …, mais qui, dans le concret du quotidien, vient aussi en aide aux pauvres, aux mendiants d Assise. Très jeune, Claire, en cachette, partage ses desserts avec les pauvres … Les années passent. Claire continue à repousser les prétendants qui se présentent. La famille commence à s’impatienter. Combien de temps, Claire va-t-elle encore retarder le mariage ? Que faire ?

2 – Depuis quelques temps, toute la ville d’Assise parle de ce fameux François …

Depuis quelques temps, toute la ville d’Assise parle de ce fameux François, le fils du marchand de draps, Pierre Bernardone et de Dame Pica. François, que toute la jeunesse d’Assise admirait et suivait dans ses sorties festives, ce François semble devenu fou ! Abandonnant richesse, gloire et son désir de se faire chevalier, le voilà qui traverse les rues d Assise comme un mendiant, un pèlerin et chante, en petit pauvre, les louanges de son Seigneur. François est fou de Dieu ! François a été saisi par la pauvreté absolue de Jésus et il veut le suivre d une manière radicale.

Un moment décisif a été pour lui la rencontre avec le lépreux. Poussé par une force mystérieuse, François sur une route, dépasse ses répulsions, descend de son cheval et se dirige vers un lépreux, de qui il reçoit un baiser … Ce qui lui semblait jusqu’alors amer, la vue des lépreux, se change en douceur, pour l’esprit et pour le corps. François vient de rencontrer le Christ en son frère lépreux et désormais le visage d’un frère pauvre et souffrant et celui du Christ pauvre et crucifié ne feront plus qu’un seul et même visage, par lequel François ne cessera d’être fasciné.

François passe aussi de longues heures dans la solitude d’une grotte … ou dans la petite église de Saint-Damien. C’est là, devant le grand crucifix byzantin, qu’il entend l’appel pressant du Christ : «Va, François et répare mon église qui comme tu le vois, tombe en ruine.»

Aussitôt, François se met au travail, et part dans les rues d’Assise mendier des pierres. Avec les pierres, François recevra aussi des injures, des moqueries, de la boue, des cailloux … Personne ne comprend ce changement brusque et radical du fils de Pierre Bernardone. Mais au fil des jours, la patience, la douceur et la joie qui émanent du jeune François et semblent venir d ailleurs, interpellent et impressionnent un bon nombre. Sa vie touche les cœurs assoiffés d’un bonheur simple et vrai ! Des frères, dont Rufin, le propre cousin de Claire, commencent à le rejoindre … Bien vite ils seront une douzaine, puis 50, 100 … 5 000 !!!

3 – Claire veut rencontrer François …

Claire veut rencontrer François et lui parler de son désir de suivre, elle aussi, le Christ pauvre. Mais comment une jeune fille à cette époque peut-elle rencontrer un jeune homme, encore plus un vagabond de Dieu, sans créer un scandale ? Claire va le rencontrer … mais dans le secret. Quelle force, quelle audace, quelle détermination déjà chez cette jeune fille de 15-16 ans pour braver les obstacles : une jeune fille de l’aristocratie ne pouvait pas rencontrer des personnes d’une autre classe sociale, ni parler seule avec un homme ! Et pourtant, Claire, le cœur libre et décidé, parvient à rencontrer François en cachette, certainement plus d’une fois. François, qui a entendu parler de Claire, de son élan passionné pour le Christ, de son attitude par rapport aux pauvres, l’accueille, l’écoute, et perçoit le désir fort et profond qui l’anime. Il en parle sûrement à l’Evêque d Assise, Guido, son ami : c’est lui qui avait accueilli et revêtu François de son manteau le jour où il s était dépouillé de tous ses vêtements. L’Evêque avait aussi reçu la demande de François d’être protégé par l’Eglise. Devant les habitants d’Assise, rassemblés sur la place de la commune, par un geste concret vis à vis de son père, il s’était détaché de ses liens terrestres pour s’exclamer : «Dorénavant, je veux dire : Notre Père qui es aux cieux.»

4 – Claire quittera la maison paternelle pour rejoindre François

C’est décidé, le jour des Rameaux 1212, Claire, toujours en secret, quittera la maison paternelle pour rejoindre François. Claire va à la messe des Rameaux, habillée de ses plus beaux vêtements. Perdue dans ses pensées, on la comprend, elle oublie d’aller chercher le rameau. L’Evêque se déplace vers elle et le lui apporte. Arrive le soir, toute la maison dort. Sauf Claire qui, avec une force tout à fait époustouflante, ouvre une porte condamnée, que 4 hommes, dit-on, arriveraient à grand peine à ouvrir … et court, accompagnée de son amie Bona vers la petite chapelle de la Portioncule, en dehors d’Assise où l’attendent François et ses frères. François lui coupe les cheveux en signe de sa consécration à Dieu, lui donne un habit … mais ne peut la garder plus longtemps avec lui ! Il l’emmène non loin, chez les bénédictines … Claire s y présente … non pas pour y entrer comme une moniale de choeur, mais comme une servante ! D’ailleurs, elle a déjà distribué toute sa dot avant d’entrer … Ce choix de Claire provoque un scandale dans la famille. Non pas tellement le choix de devenir religieuse. Beaucoup de jeunes filles de la noblesse entrent dans les monastères et à cette époque, c’est plutôt bien vu … mais ce qui provoque la colère de la famille, c’est son choix d’entrer comme servante. Une manière pour Claire de se mettre en opposition avec les aspirations de son milieu … et de changer de classe sociale. La famille voudra ramener Claire à la maison. Peine perdue. Elle est déjà décidée : ses cheveux coupés signifient qu’elle est déjà consacrée au Seigneur. Claire ne restera pas longtemps chez les bénédictines. En effet, fascinée par le Christ pauvre, elle veut comme François le suivre en petite pauvre. Elle aspire à une pauvreté radicale, personnelle … mais aussi communautaire ! Après deux semaines de vie chez les bénédictines, Claire choisit de chercher ailleurs la volonté de Dieu. Elle rejoint une autre communauté de religieuses sur le mont Subasio, à côté d’Assise et laisse mûrir le projet que Dieu est en train de murmurer en son cœur.

5 – La petite communauté naissante …

La petite communauté naissante (en effet, quelques amies de Claire les ont rejointes) sera finalement amenée par François jusqu’à la petite église de Saint-Damien, berceau de sa vocation : quelques années auparavant, François, du haut du mur, la truelle à la main, envahi par l’Esprit, avait interpellé en français les pauvres qui passaient : «Venez, aidez moi à travailler pour le monastère de Saint-Damien, parce qu’il viendra ici, des religieuses dont la vie sainte et là renommée stimuleront les hommes à glorifier notre Père des cieux dans toute sa sainte Eglise !». Claire est très fière de cette prophétie de François qu’elle rapporte dans son Testament, sans doute parce que François a pensé aux sœurs, avant même d’imaginer qu’un jour il y aurait des frères !

6 – La vie à Saint-Damien

La vie à Saint-Damien s’organise, pour vivre ce qui tient tellement au cœur de Claire : vivre l’Evangile … rien de moins … rien de plus …
La vie fraternelle y est simple et joyeuse. Chacune est vraiment sœur de ses sœurs, sans différence aucune due aux origines sociales. Il n’y aura pas à Saint-Damien, comme dans les autres monastères alors, des sœurs de chœurs et des sœurs servantes. Chacune a part aux décisions de la vie communautaire : «L’Abbesse et ses sœurs …» dira toujours Claire dans sa règle. Claire, à qui François demandera d’être abbesse, contre sa volonté, se définira toujours comme la servante de ses sœurs : «Claire, très humble et indigne servante du Christ et des Pauvres Dames.» Et elle en témoignera dans le concret de la vie avec ses sœurs, en lavant les pieds de celles qui sont parties à la quête, en recouvrant la nuit celles qui pourraient avoir froid, en ayant un soin tout particulier pour les sœurs affligées … ou pour les habitants de la région, particulièrement les enfants, comme en témoignent les miracles rapportés dans le procès de canonisation.

7 – «Va, confiante, allègre et joyeuse»

De jour et de nuit, le cœur et la prière de la communauté se tournent vers le Seigneur. Claire est passionnément amoureuse du Christ et dans sa course, elle entraîne chacune de ses sœurs : «Va, confiante, allègre et joyeuse», «Regarde-le, médite-le, contemple-le, et n’aie d’autre désir que de l’imiter». Claire n’a pas écrit de traité systématique pour la formation spirituelle de ses sœurs, mais elle leur montre comment avancer sur le chemin du bonheur et de la sainteté. Avec toutes les fibres de son cœur, elle est attachée au Christ, qu’elle aime de tout son être de femme. C’est ce qu’elle peut offrir à ses sœurs : «C’est au Christ pauvre que tu dois rester attachée.» Seule la contemplation du Christ dans la durée, leur donnera de goûter à la douceur cachée que Dieu réserve à ceux qui l’aiment. «Veille et prie sans cesse !».
Claire passait ainsi de longues heures dans la contemplation. Lorsqu’elle revenait de l’oraison, «son visage paraissait plus clair et plus beau que le soleil. Une douceur merveilleuse émanait d’elle lorsqu’elle parlait : on avait l’impression qu’elle vivait déjà au ciel. Vers minuit, elle réveillait les sœurs, sans un mot, en les touchant, pour les appeler à louer Dieu. Elle allumait les lampes de l’église et maintes fois sonnait elle-même la cloche de Matines» (procès de canonisation).

8 – Toutes les sœurs travaillent de leurs mains …

Toutes les sœurs travaillent de leurs mains, un travail simple, comme tout le monde : entretenir le potager, filer … sans pour autant en faire une activité économique des plus rentables ! Souvent, ce qui sera produit sera tout simplement donné en cadeau, aux églises voisines, aux pauvres … avec cette confiance simple et joyeuse en la Providence. Dieu veille sur la communauté, et ce qu’elle aura donné en partage, leur sera rendu d’une autre manière. Le choix de la communauté est clair ! Les sœurs ne veulent pas vivre en autarcie, repliées sur elles-mêmes, mais comme des petites pauvres, dépendantes de l’extérieur, de ce que les habitants d’Assise leur donneront par amitié ! C’est en effet une réelle amitié qui se noue entre la communauté et la petite ville d’Ombrie. Les Assisiates savent que Claire et ses sœurs sont là aux portes de la ville, priant, intercédant en leur faveur. En 1240, la puissance de la prière de Claire et sa foi inébranlable en la présence agissante du Christ dans l’Eucharistie mettent en fuite les Sarrazins ! Les habitants d’Assise sont très reconnaissants et volontiers, ils donnent quelques nourritures aux frères de François chargés de demander l’aumône pour les Pauvres Dames.
Claire est très attachée à ce lien avec les frères. Pour elle, il est aussi précieux que l’attachement à Dame pauvreté. Dans son testament, elle dit : «Dans son affection pour nous, le bienheureux François s’engagea à prendre de nous, par lui-même ou par son Ordre, un soin attentif et aussi prévenant pour nous que pour ses propres frères». Pour conserver cette amitié spirituelle, Claire n’hésitera pas à réagir énergiquement. Le jour où, après la mort de François, le Pape voudra interdire l’entrée des frères au monastère pour le ministère de la prédication, Claire renverra du même coup les frères chargés des aumônes : puisqu’on lui impose une grève de la Parole de Dieu … elle fera une grève de la faim ! Le Pape revient aussitôt sur sa décision …

9 – L’attachement radical à «Dame Pauvreté»

Tout comme Claire a su défendre l’attachement de son Ordre à celui de François, elle va aussi défendre de toutes ses forces l’attachement radical à «Dame Pauvreté». Pour que ses sœurs puissent après sa mort continuer à vivre la pauvreté radicale à la suite du Christ Pauvre, sans aucun bien propre, Claire, en effet, perçoit qu’il faut qu elle laisse par écrit – et un écrit officiel – tout ce qui aura été vécu à Saint-Damien au long de ces années. Beaucoup de personnes, depuis la naissance de cette petite communauté ne comprenaient pas l’audace folle de Claire, n’en percevaient pas toute la dimension prophétique et essayaient de convaincre la communauté d’accepter au moins l’une ou l’autre sécurité. Toute sa vie, Claire tient bon, doucement, mais fermement, brûlée comme au premier jour par l’appel à suivre le Christ Pauvre. Dès les premières années d’ailleurs, elle avait imaginé de s’adresser directement au Pape pour lui demander un privilège ! Il paraît que le Pape a bien ri ! : C’était la première fois qu’on venait lui demander … non pas le privilège d’un droit nouveau ou le privilège de posséder d’autres terres, plus de biens, de pouvoir … Ici, cette jeune femme venait en toute simplicité, lui demander le «privilège de la pauvreté», le privilège de ne rien posséder … tout comme le Christ ! Claire a gardé ce privilège tout au long de sa vie comme un précieux trésor. Mais ce privilège n était pas suffisant pour rassurer Claire !

10 – La première règle écrite par une femme

Claire s’est donc décidée, vers la fin de sa vie, à écrire une règle, la première règle écrite par une femme. Elle pouvait ainsi exprimer le sens profond de la vie de prière, de silence, de la vie fraternelle, de l’humilité et de la simplicité, de la pauvreté qui se vivait à Saint-Damien … et surtout l’immense souffle de liberté, que le brave Cardinal Hugolin chargé d’écrire des Constitutions pour les Pauvres Dames … n’avait pas perçu … ou n’avait pas osé percevoir ! Faire approuver une nouvelle règle religieuse n’était pas chose aisée, à cette époque.

D’autre part, Claire commençait à être très malade ; elle souffrait beaucoup, ne quittait plus son lit. Depuis près de 30 ans, la maladie affaiblissait ses forces. Qu’elle soit encore en vie au milieu de ses sœurs, tenait du miracle permanent. Sans doute, Claire attendait-elle avec toutes les forces qui lui restaient, avec patience, l’approbation de sa règle …

Le 9 août 1253, le Pape de passage à Assise signe enfin le précieux document … et le 11 août, Claire rassurée pour l’avenir de ses sœurs, part rejoindre Celui qu elle avait passionnément suivi tout au long de sa vie. Elle peut dire tranquillement et en toute confiance à son âme : « Pars en toute sécurité, car tu as un bon guide pour la route ; pars, car Celui qui t’a créée t’a aussi sanctifiée ; il t’a toujours gardée et aimée d’un tendre amour, comme une mère ».

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