Dis-moi, Seigneur, quel artiste pourrait égaler la façon dont tu inventes couleur sur couleur à l’infini ?
«Au ras des collines du côté de la chapelle la promesse de l’aube prend toutes les teintes de l’orange et de l’or ; au couchant, derrière la ville que nous surplombons le ciel moutonné s’embrase de flammes roses, mauves et de lumière. Comment fais-tu pour que midi jouant dans les feuillages des arbres, les dégradés du vert se multiplient comme sous un pinceau enchanteur ? Et quand le vent s’en mêle, naît, sous nos yeux émerveillés une danse chatoyante d’argent et d’émeraude.
Et comment ne pas s’extasier des mains du Créateur faisant surgir la soie et le velours pour le pétale des fleurs ! Elles ne tissent ni ne filent et Salomon dans toute sa gloire n’a jamais été vêtu comme l’une d’elles (Mt 6, 28-29).
François d’Assise savait dans une belle chose contempler le Très Beau et il poursuivait à la trace son Bien Aimé en tout lieu de sa création. Comme on le comprend, dès que l’on se donne le temps d’admirer, de recevoir le message ainsi livré ! pas de parole dans ce récit, pas de voix qui s’entende, mais sur toute la terre en paraît le message (psaume 18).
Claire d’Assise exhortait ses sœurs à louer Dieu chaque fois qu’elles verraient de beaux arbres feuillus et de même à la vue de toutes les créatures. C’est à la création que Claire emprunte des images parlantes pour décrire à sa correspondante Agnès de Prague, les prévenances de l’amour du Christ : le printemps, le soleil, la lune, les routes et la poussière du chemin, les fleurs, la terre, les perles, les pierres précieuses et les parfums sont requis tour à tour pour brosser les portraits de l’Aimé et de l’aimée, du mystère de notre Rédemption et de notre vocation.
Il faudrait mentionner les éléments, symbole des dons de Dieu : par exemple, l’eau qualifiée par François de sœur, utile et humble, précieuse et chaste (dans le Cantique de frère soleil) dont Claire s’inondait chaque jour après qu’elle fut bénie, au souvenir de l’eau sortie du côté du Christ. Non seulement la création reflète la beauté du Créateur et nous incite à le louer, mais elle est aussi le langage de sa Sagesse. Jésus y a puisé nombre de paraboles pour décrire le Royaume et François d’Assise, parcourant la campagne d’Assise pour y prêcher l’Evangile renoue avec les créatures le dialogue interrompu par le péché de l’homme, dans la grâce de la réconciliation apportée par le Christ. L’obéissance des créatures à leur mission propre l’impressionnait et le défiait d’être aussi fidèle qu’elles aux ordres du Créateur. Ainsi les alouettes nous stimulent à la louange du Très Haut, l’agneau proclame l’innocence du Fils de Dieu, le vers de terre renvoie à l’anéantissement de la Passion de Jésus, les hirondelles font silence pour écouter la Parole de Dieu. Dans un monastère, la jardinière a une grande responsabilité : aider chaque sœur tandis qu’elle fait son tour de jardin quotidien à se rappeler, à la vue des roses et des capucines, des marguerites et des œillets d’Inde que Claire s’intitulait elle-même «petite plante de François» qui la jardinait avec tendresse pour la gloire de son Seigneur.»
Soeur Elisabeth